Investir dans des actifs d’infrastructures ? Et pourquoi pas ! En Australie, depuis plusieurs dizaines d’années, les assureurs et les caisses de pensions s’intéressent à cette classe d’actifs.
PME Magazine du 11 septembre
Frank Hirschi, responsable des investissements en infrastructure
L’apparition de ce nouveau format d’investissement provient d’un double besoin. D’un côté, la nécessité des collectivités publiques de financer des infrastructures nouvelles ou existantes au travers d’un financement privé. De l’autre côté, les acteurs institutionnels s’intéressent à des produits d’investissement long terme qui plus est attractifs.
Dès lors, il existe actuellement à l’étranger des centaines de fonds spécialisés dans le domaine des infrastructures qui déploient des dizaines de milliards annuellement au travers diverses stratégies d’investissement. Cette stratégie vise des rendements plus ou moins élevés en fonction du couple rendement/risque recherché. Comme toujours, la clé du succès réside dans la capacité à déployer le capital de manière diversifiée.
En Suisse, l’intérêt pour la classe d’actifs « infrastructures » est relativement récent. Une place croissante lui est toutefois octroyé dans l’allocation globale des investisseurs institutionnels. Ses atouts en termes de diversification et de résilience ont été mis en évidence ces dernières années à la suite des diverses crises auxquelles nous avons dû faire face. Les critiques sur l’importante durée d’investissement ou le caractère privé et illiquide sont aujourd’hui oubliées car les rendements sont stables et prévisibles.
Toutefois, il est beaucoup plus complexe d’investir dans des infrastructures locales en Suisse. En effet, il existe peu de solutions dites « impact investing » permettant aux acteurs institutionnels de déployer du capital de manière conséquente et diversifiée avec des rendements ajustés au risque en ligne avec leurs besoins.
Ce manque d’opportunité s’explique en grande partie par le faible endettement de l’Etat et des institutions en comparaison au niveau mondial. Contrairement à nos pays voisins, par exemple, les grosses infrastructures de transport (autoroutes, ponts, tunnels, aéroports) sont presque toujours détenues par la Confédération et/ou les cantons. Jusqu’à l’an dernier du moins, il était aussi compliqué pour les investisseurs institutionnels de prêter de l’argent ou de financer des infrastructures sur du très long terme pour des communes qui pouvaient emprunter sur les marchés à des taux d’intérêts très bas voire négatifs.
Néanmoins, un nouveau paradigme se dessine. En effet, les engagements internationaux pris par la Confédération et les cantons au niveau du climat et de la cause écologique obligent notre pays à revoir sa stratégie énergétique sur le long terme. Les impacts de ces changements sont énormes: les bâtiments, l’industrie, les transports, l’agriculture, etc. Ceci oblige les autorités et les investisseurs à revoir leur stratégie. En effet, il sera nécessaire de développer et financer de nombreux projets cruciaux afin de combler les conséquents besoins énergétiques. On parle ici principalement du développement des énergies renouvelables (hydro, photovoltaïque, éolien et biomasse) et des chauffages à distance.
Si ces besoins sont avérés, le secteur présente toutefois des inconvénients majeurs : une multitude de petits projets difficiles à mettre en œuvre (permis de construire, oppositions, etc.). Dans le domaine photovoltaïque, par exemple, une trentaine de projets de parcs solaires alpins sont en réflexion à l’échelle nationale, sans oublier les nombreuses initiatives d’installations solaires sur les toits en zones industrielles et urbaines. L’éolien, quant à lui, soulève encore beaucoup de doutes et peu de projets d’envergure sont en cours de développement. Dans les deux cas, la taille des projets renouvelables sont modestes en comparaison aux initiatives à l’étranger, ce qui rend la tâche difficile pour des caisses de pension voulant investir des capitaux plus conséquents.
Les constatations réalisées ci-dessus confirment malheureusement la difficulté d’investir localement, à grande échelle, pour des investisseurs institutionnels. La mise en place d’un fonds pour le développement des infrastructures liées à la transition énergétique pourrait pallier le manque de coordination entre les différents acteurs que sont l’Etat, les porteurs de projets et les investisseurs institutionnels. Cette solution ambitieuse et complexe à mettre en œuvre aurait toutefois le mérite de pouvoir coordonner les efforts de chacun dans un domaine stratégique pour l’avenir de la Suisse.