Sans 3e pilier, la retraite pourrait correspondre à 60% de son salaire

Pour Danny Santoro, conseiller en prévoyance et spécialiste en assurance au sein du Service clients privés de Retraites Populaires, le 3e pilier est impératif pour aspirer à une retraite décente. Les jeunes en sont encore peu conscients.

Publié dans Le Temps du 22.11.2023
Danny Santoro, Spécialiste en assurance avec brevet fédéral

Dans un contexte social, professionnel et démographique et des modèles de vie en évolution qui pèse toujours davantage sur notre système de retraite, souscrire à un troisième pilier devient essentiel. Une démarche individuelle et responsable qui, en permettant de devenir acteur de sa situation de prévoyance, offre la possibilité de compléter efficacement les leviers de l'AVS et de la LPP. Ces derniers risquant, selon les cas, de constituer un revenu relativement bas une fois l'âge de la retraite atteint. Pour comprendre comment se constituer un 3e pilier, quels sont ses avantages ainsi que les différentes possibilités qu'il offre, Danny Santoro, conseiller en prévoyance au sein du Service clients privés de Retraites Populaires répond à nos questions. Interview.

Le Temps : Pourquoi est-ce important de souscrire à un 3e pilier?

Danny Santoro : La situation actuelle implique de devoir prendre les devants pour compléter ses prestations de retraite. On voit d'ailleurs que la question est également très présente dans le débat politique, notamment avec la réforme de la LPP, sur laquelle la population devra se prononcer probablement l’année prochaine. Dans tous les cas, souscrire à un 3e pilier devient essentiel dans l'optique d’aller au-delà du minimum obligatoire prévu par la loi entre les deux premiers piliers, soit l'AVS et la LPP.

Concernant ces deux leviers obligatoires, à quelles prestations financières peut-on s'attendre une fois l'âge de la retraite atteint si l'on n'a pas entrepris de démarches individuelles en plus ?

C'est une question que je pose très fréquemment lors des conférences que nous donnons auprès des entreprises et des particuliers. Souvent, j'observe que la plupart des gens s'imaginent que, entre l'AVS et la LPP, ils toucheront entre environ 80% de leur salaire lorsqu'ils arriveront à la retraite. En réalité, ces deux piliers ont été conçus et établis en prévoyant un revenu minimum équivalent à 60% du salaire, dépendant des prestations choisies par l'employeur pour constituer le plan de prévoyance de ses collaborateurs. La problématique s'avère encore plus préoccupante pour les personnes qui ne bénéficient pas du deuxième pilier, comme les indépendants ou les personnes à temps partiel par exemple

Comment le 3e pilier s'articule-t-il dans un plan de retraite?

Le 3e pilier est une démarche individuelle et facultative. Pour comprendre sa pertinence, il convient d'abord de rappeler brièvement ce que couvrent les deux premiers piliers. Le 1er pilier, l’AVS et l’AI, est censé couvrir les besoins vitaux, avec des rentes pouvant osciller entre 1225 et 2450 francs par mois. Pour compléter cela, le 2e pilier soit la LPP, vient s'ajouter. Ce 2e pilier est constitué en prélevant sur le salaire une part employeur et une part employé. Ce deuxième pilier est susceptible de varier entre les différents employeurs auprès desquels on est amené à travailler tout au long de sa carrière, mais aussi en fonction des différents plans de prévoyance proposés par les caisses de pension. Dans ce sens, on ne peut qu'encourager les employés à s'informer activement sur le plan de prévoyance auquel son employeur a souscrit. Il en va de même pour l'entreprise, qui doit faire preuve de transparence et qui, dans une économie concurrentielle, devra certainement tabler davantage sur de solides prestations de retraite pour attirer et retenir des talents au sein de ses équipes. Le 3e pilier vient en complément. On détermine soi-même comment le constituer à l'aide d'un conseiller. L'idée consiste à combler les lacunes de prévoyance obligatoire, ce qui implique de procéder à des réadaptions du 3e pilier, par exemple lorsque l'on change d'employeur.

Quand faut-il le commencer à cotiser pour le 3e pilier et et pour quel montant ?

De manière générale, plus on commence à cotiser tôt, mieux c'est. Car c'est sur le long terme que l'on va parvenir à constituer un solide capital et à générer des intérêts élevés. Il n'est cependant jamais trop tard pour s'y mettre. Idéalement, il faudrait démarrer son 3e pilier dès le moment où on entre dans la vie active. C'est une épargne que l'on investit pour sa retraite et qui offre un différé fiscal. Quant au montant à investir chaque mois, il dépendra bien entendu de votre situation financière. L’établissement d’un budget est vivement recommandé.

Fiscalement, comment se traduisent les économies d'impôt que l'on peut réaliser?

Comme mentionné, le 3a permet de bénéficier d'un différé fiscal. Ce qui veut dire que l'investissement effectué continuellement sur ce 3e pilier est déductible, permettant ainsi de diminuer son revenu imposable dans le cadre des limites déterminées. Cette impulsion est donnée et promue par la Confédération pour inciter la population à entreprendre la démarche de souscription à un 3e pilier. Pour cette année 2023, la limite déductible maximum fixée s'élève à 7056 francs pour les personnes affiliées à un deuxième pilier. Pour les personnes qui ne sont pas soumises à la LPP, comme certains indépendants, les personnes à temps partiel ainsi que  les bas revenus par exemple, la limite annuelle est fixée à 20% du revenu avec une limite à 35'280 francs.

En revanche, une fois l'âge de la retraite atteint, le 3e pilier est imposé. Y a-t-il un réel intérêt fiscal dans l'ensemble?

Oui, c'est d'ailleurs pour cela que l'on parle de différé fiscal. L'équilibre reste ainsi nettement avantageux pour l'épargnant puisque l'impôt sur le capital perçu, qui s'apparente à un impôt sur le revenu, est à taux réduit. L'économie d'impôt réalisée durant toute la période d'alimentation du 3e pilier reste bien supérieure à l'imposition qui s'applique lors du retrait de son capital à l’âge de la retraite.

Est-ce qu'il est possible d'adapter son 3e pilier en cours de route?

Bien sûr. Comme évoqué, il peut par exemple s'avérer nécessaire de réadapter son 3e pilier lorsque l'on change d'employeur et, par conséquent, de plan de prévoyance. Selon les formules proposées par les assurances ou les banques, il peut également être possible d'adapter le montant de ses cotisations.

En parlant d'assurances et de banques, quelles sont les différentes solutions qui existent sur le marché pour se constituer un 3e pilier?

Les banques et les assurances sont en effet les prestataires auprès de qui les employés peuvent souscrire à un 3e pilier. Certaines spécificités différencient cependant les offres de ces deux types d'acteurs. Auprès d'une banque, il est possible de constituer une épargne pour sa retraite uniquement. Les deux autres aspects pouvant être couverts par un 3e pilier, à savoir l'invalidité et le décès, sont quant à eux proposés par les assurances, via différents types de couvertures et de polices prenant en compte ces risques. Pour revenir sur l'épargne, qu'il s'agisse d'un produit proposé par une banque ou par une assurance, différentes sortes de garanties sont également proposées en se basant notamment sur sa tolérance au risque et sur la dynamique de gestion des fonds de placement grâce auxquels l'épargne génère du rendement financier. A noter que souscrire un 3e pilier dans une assurance est idéal si l’on souhaite procéder à un amortissement indirect lors de l’acquisition d’un bien immobilier. Cette solution vous permettra de vous mettre à l’abris ainsi que vos proches, en cas de coup dur.

Peut-on choisir de rependre le capital ou d'opter pour une rente une fois arrivé au terme de sa période de cotisations?

Oui. Les deux cas de figure peuvent être proposés et envisagés dès la souscription à un 3ème pilier. Il peut également être intéressant de combiner les deux, entre une rente issue de l'AVS et du deuxième pilier et un apport en capital avec son 3e pilier qui dépendra de la situation et du besoin à la retraite.