Prévoyance: réformer plutôt que laisser se dégrader

Notre système de prévoyance se dégrade, c’est un fait. Selon le dernier classement Mercer des systèmes de prévoyance dans le monde, la Suisse n’est plus qu’au douzième rang. Dans le contexte actuel, est-il possible de réformer rapidement le régime des trois piliers (AVS, 2eet 3epilier) et ainsi garantir à la population suisse un niveau de vie adéquat au terme de la vie active?

24 Heures du 4 mars 2021
Philippe Doffey, directeur général

Plusieurs spécialistes de la prévoyance en sont convaincus. Pour cela le projet de réforme doit prendre en compte les forces et faiblesses du système actuel. Et surtout ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain!

À ce titre, le modèle de prévoyance professionnelle en vi­gueur reste favorable sur plusieurs plans:

  • garantie de prestations à la retraite sous forme de rente ou de ca­pital,
  • possibilité de rachats pour une meilleure couver­ture,
  • retrait anticipé possible en cas d’acquisition de logement,
  • sécurité financière en cas de décès ou d’invalidité,
  • versement d’intérêt complémentaire en fonction des excédents de performance,
  • etc.

Par contre son financement et ses coûts doivent être revus. Le taux de conversion sur la partie obligatoire (6,8%) est trop élevé. Celui-ci doit être calculé en fonc­tion de l’espérance de vie et du taux d’intérêt tech­nique, éléments majeurs qui fixent le rendement at­tendu sur le long terme. Or, aujourd’hui ce n’est plus le cas. La rémunération obtenue par les assurés actifs est inférieure à celle des retraités. Faute de réforme, ce phénomène ne cesse de s’accentuer.

Les travaux des commissions parlementaires dé­butent maintenant pour traiter la réforme de la pré­voyance professionnelle. Soyons attentifs à ne pas nous engager dans une bataille interminable entre experts. Il serait très dommageable que la solution proposée échoue en raison d’un aspect particulièrement clivant comme l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans.

Il serait préférable de travailler par exemple sur les solutions concrètes suivantes: réduire la déduction de coordination et ainsi permettre d’améliorer le capital retraite notamment pour les temps partiels et les bas salaires, accepter de faire cotiser les jeunes avant l’âge de 25 ans et augmenter progressivement l’âge de la retraite des hommes et des femmes, quitte à mainte­nir l’écart d’une année.

Depuis la pandémie, l’épargne des citoyens est du­rement touchée et fait basculer les personnes à bas re­venu dans la précarité. C’est pourquoi notre système des trois piliers doit être défendu. Il est important pour l’équilibre social dans notre pays.

Il faut donc mettre en route les réformes rapide­ment afin d’assurer, à toutes et à tous, un niveau de vie adéquat après la vie active. Une approche pragma­tique et raisonnable est indispensable pour obtenir une majorité devant le peuple. Sans quoi le niveau des prestations offertes continuera à se dégrader, car les institutions de prévoyance ne peuvent pas distribuer l’argent qu’elles n’ont pas!