2023 est un bel exercice pour Retraites Populaires avec des encaissements de prime d'environ 800 millions de francs

Le spécialiste de la prévoyance et assureur Retraites Populaires a vécu un passage de témoin à sa tête en ce début d’année. Après dix ans à diriger l’institution vaudoise et ses près de 30 milliards de francs sous gestion avec les caisses de pension en gérance, Philippe Doffey a laissé sa place à Eric Niederhauser. Le directeur général, qui travaille au sein de l’entreprise depuis un quart de siècle, s’est notamment entretenu avec L’Agefi à propos de la situation sur le marché immobilier. Il évoque aussi l’exercice écoulé qui s’est terminé sur une note positive et les changements qu’il souhaite amener dans les années à venir. Entretien.

Supplément de l'Agefi de mars 2024
Interview d'Eric Niederhauser, directeur général par Johan Friedli

Comment avez-vous vécu l’évolution des marchés financiers et des taux d’intérêt?

C’est un contexte positif pour notre activité. La remontée des taux a été accompagnée par des pics d’inflation qui ont pu inquiéter, mais l’atterrissage de l’économie devrait se faire en douceur. En dehors d’un retour à la normale de la courbe des taux, les perspectives sont assez stables sur le long terme. Même si un consensus n’exclut pas qu’une étincelle puisse tout changer. Les élections à venir dans plusieurs pays, dont notamment aux Etats-Unis, représentent ainsi des sources d’incertitude.

Qu’en est-il de l’immobilier?

On observe une situation compliquée et ambiguë sur le marché immobilier, avec une forte pénurie des logements, mais un refus populaire de construire davantage de logements. Ensuite, nous observons une pression sur la rénovation qui va s’intensifier. Dès lors, certains acteurs seront tentés de vouloir vendre des biens immobiliers qui nécessitent une rénovation. Les prix du marché immobilier devront prendre en compte cet élément. De notre côté, et à l’instar des grandes caisses de pension, nous avons doublé notre rythme de rénovation. Ce qui implique d’importants investissements et ressources en personnel. Il y a eu un peu de latence entre la décision et ses conséquences concrètes, mais nos efforts accrus vont porter leurs fruits.

Comment votre allocation d’actifs évolue-t-elle?

Nous avons un portefeuille d’actifs diversifié, avec notamment près 25% d’immobilier. Avec la croissance régulière de notre fortune, nous devons acheter des biens pour maintenir cette proportion. Tous les trois ans environ, nous cherchons à faire des ajustements sur notre allocation stratégique,  mais nous opérons rarement de grands changements. Nous avons une approche basée sur le long terme et sommes compétitifs face au reste du marché sur la durée.

Retraites Populaires développe notamment ses investissements dans le domaine des infrastructures. Avec un objectif assumé d’atteindre 3.5% d’allocation souhaitée. Cela permet notamment d’investir de manière plus durable par le biais de projets liés aux engagements climatiques, notamment au Danemark et au Canada. Au niveau local, nous souhaitons également davantage investir via un fonds dans les énergies renouvelables co-géré par Swisslife et UBS.

Quelles conclusions pouvez-vous déjà tirer de l’exercice 2023?

L’année écoulée a finalement été bonne avec un taux de performance aux alentours de 4,3%, soit 2,5 fois le chiffre de septembre. Il s’agit aussi d’un très bel exercice pour les encaissements de prime qui s’élèvent à environ 800 millions de francs. C’est largement supérieur aux budgets et proche de 2022 où il y avait notamment eu une entrée exceptionnelle de 48 millions.

Retraites Populaires a ainsi continué à attirer des assurés en 2023 et le début de cette année répond à nos attentes. Nous visons une croissance modérée qui répond à notre politique de stabilité. Pour nous développer auprès d’une clientèle plus jeune, nous faisons évoluer nos canaux de distribution. La souscription en ligne commence notamment à prendre son essor. Cela reste néanmoins un outil complémentaire qui fonctionne pour le moment avec des polices de libre passage et des offres classiques de troisième pilier.

Quels changements comptez-vous amener pour la suite ?

Nous avions construit une stratégie jusqu’en 2025 et l’un de mes buts est de la réviser à l’horizon 2030. Je vise la continuité de notre cœur de métier tout en le complétant avec de nouveaux axes de développement. Nous avons aussi des enjeux importants en termes de ressources humaines. Les renouvellements à la direction et au sein des équipes amènent d’ailleurs de toute manière des changements. Il s’agit ainsi de se positionner comme une entreprise moderne et dynamique. Il y a en outre de nombreux autres défis à relever notamment en lien avec le marché immobilier ou l’évolution démographique, mais j’ai avant tout repris une institution saine et bien positionnée.

Quant à la numérisation, nous ne partons pas d’une feuille blanche comme certains acteurs car nous avons régulièrement investi depuis les années 2000. Nous évitons de remplacer un système complet d’un coup et nous évoluons par étape pour que les équipes puissent s’adapter plus facilement. Avant ma nomination en tant que Directeur général, j’étais en charge de la transformation informatique. Nous venons de recruter Nathalie Stockhammer en tant que directrice IT et l’informatique au sens pur est désormais représenté au sein de la direction.

Et comment abordez-vous la démocratisation de l’intelligence artificielle (IA)?

Nous avons commencé par exploiter l’IA embarquée par des prestataires ou dans des logiciels externes, par exemple pour la gestion du courrier entrant, une tâche chronophage.  Après quasiment une année, le taux de reconnaissance approche les 70%. Nous avons également défini des règles d’utilisation interne et allons mettre à disposition une version de ChatGPT dans un environnement maîtrisé. L’étape suivante est de réfléchir à comment l’utiliser au quotidien, notamment pour la préparation de documents et en tant que soutien administratif. Nous allons étudier les applications au cas par cas, mais il faut avant tout accompagner les utilisateurs.