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Illustation / Photographie article Bella vita

Société

Un laboratoire agile pour tester l'IA

Sep 2025 - 5 minutes

Chez Retraites Populaires, les possibilités d’innovation grâce à l’IA sont prises au sérieux. Pour explorer les opportunités offertes par l’intelligence artificielle, l’entreprise a mis en place un laboratoire d’expérimentation agile. 

Les entreprises en Suisse romande sont nombreuses à explorer le potentiel de l’IA pour gagner en efficacité ou simplifier leurs processus. Comment l’adopter sans se perdre en route? Retraites Populaires a opté pour une approche à la fois pragmatique et responsable: un laboratoire agile, où les outils d’IA sont testés directement sur le terrain. À écouter Nathalie Stockhammer, Directrice du Domaine Transformation Digitale et IT, mieux vaut monter à bord du train de l’innovation que de risquer de le regarder passer.


Un laboratoire pour tester l’IA de manière concrète
«Notre idée n’était pas de monter une grande équipe d’innovation qui risque de tourner à vide, mais d’avoir une petite structure capable de tester rapidement des outils sur le terrain», explique Nathalie Stockhammer. Ce laboratoire joue un rôle de lien entre les besoins métiers, les contraintes réglementaires et les solutions émergentes. L’objectif : évaluer, expérimenter, jeter ce qui ne fonctionne pas, et intégrer ce qui peut vraiment créer de la valeur. «On avance étape par étape, avec une logique très pragmatique.»
 

Une passerelle entre idées internes et solutions externes
Le RP Lab agit comme une interface. Les idées viennent souvent du terrain, de personnes confrontées à des tâches répétitives ou inefficaces. «Aujourd’hui, il y a un vrai réflexe qui s’installe. Dès qu’une activité pose problème, on se demande : est-ce que l’IA pourrait nous aider ?» explique Nathalie Stockhammer. L’équipe identifie les bons outils, les bons prestataires, et teste. Parmi les projets en cours : un assistant pour qualifier automatiquement les prospects, un outil juridique (SILEX) développé en Suisse romande et qui facilite la consultation dans la jurisprudence, ou encore des assistants intelligents intégrés aux outils bureautiques. Un chatbot est aussi en préparation pour aider le parcours des affiliés. «C’est notre façon d’anticiper, tout en respectant nos contraintes.»

 

 

 

Des garde-fous solides pour un usage responsable
Impossible de parler d’IA sans parler de sécurité. «Chaque outil est soumis à une vérification rigoureuse», souligne Nathalie Stockhammer. Le processus ne concerne pas que la cybersécurité : il inclut la LPD (la loi sur la protection des données), le type de données manipulées, et le niveau de souveraineté de l’hébergement. «On ne travaille qu’avec des solutions basées en Suisse. Nos prestataires doivent aussi détailler où et comment les données sont stockées», explique aussi Jacques Vernier, expert senior en data, responsable du RP Lab et de la Gouvernance des données chez Retraites Populaires. Par ailleurs, aucune donnée personnelle sensible n’est transmise aux IA utilisées. Retraites Populaires s’appuie aussi sur les recommandations de la Confédération pour poser un cadre, en constante évolution. (Pour en savoir plus)
 

Sensibiliser, plus que convaincre
L’un des plus grands défis aujourd’hui, c’est l’adoption. «On est encore dans une génération qui sait très bien faire sans IA. Il faut leur donner envie, leur montrer l’intérêt.» Certaines craintes freinent l’enthousiasme : peur de perdre ce qui rend le métier humain, ou impression que «la machine pense à notre place». Pour dépasser cela, l’entreprise mise sur des actions simples : «nous avons abordé l’intelligence artificielle lors de cafés thématiques à 9h, où l’on explique un usage autour d’un café. Ça rassure, ça ouvre la discussion.» Petit à petit, les mentalités évoluent. «On voit une progression claire dans les statistiques d’utilisation», observe Nathalie Stockhammer.
 

Un tournant qu’il ne faut pas rater 
La directrice du Domaine transformation Digitale et IT en est convaincue : «On vit une bascule. Dans un an, la discussion sera déjà différente.» Le rythme d’évolution est tel que prendre du retard revient à renoncer à comprendre ce qui se joue. Comme d’autres entreprises, Retraites Populaires avance par essais. «On teste, on jette, on retient, on apprend. On est au même rythme que la technologie.» Attendre ne serait pas seulement risqué, ce serait aussi contre-productif. «Le RP Lab nous permet d’avancer sans danger, tout en canalisant l’enthousiasme. Il évite aussi que chacun fasse sa sauce avec des IA publiques, ce qui serait le pire des scénarios.» Même les profils impatients, comme certains développeurs, trouvent dans ce cadre un espace pour expérimenter. Une manière équilibrée de prendre le train en marche, sans se faire dépasser.

 

«L’IA n’est pas intelligente: gardons notre esprit critique»

Alors que l’intelligence artificielle est dans l'air du temps, Jérôme Berthier, alerte sur ses usages grand public. S’il promeut une IA souveraine et sécurisée pour les entreprises suisses, il rappelle surtout la nécessité de vigilance et de frugalité dans l’usage quotidien.

 

«Les usages actuellement les plus répandus pour le grand public de l’IA sont le GPS et l’anti-spam, bien avant ChatGPT», explique Jérôme Berthier, fondateur de Deeplink. ChatGPT crée le débat et attire un large public, mais l'expert met en garde: «ce n’est pas un moteur de recherche, il prédit simplement le prochain mot. Certains l’utilisent pour trouver de l’information alors que ce logiciel n’est pas un outil logique. Il n’est pas intelligent.»

 

Une intelligence qui n’en porte que le nom

Il rappelle que ChatGPT repose sur un algorithme capable de générer du texte, mais sans comprendre ce qu’il produit: «cela fonctionne très bien pour écrire, mais beaucoup moins pour rechercher ou résoudre des problèmes». Certes, on peut détourner son usage pour en faire un outil de recherche, mais avec un risque majeur: «il ne fournit pas la bonne réponse, seulement la réponse la plus probable statistiquement et même dans les nouvelles versions qui intègrent l’IA agentique qui simule mieux la réflexion, ce risque perdure. On n’est jamais à l’abri d’une erreur, parfois évidente, parfois plus subtile.»

 

Derrière l’efficacité, les dangers

Derrière son efficacité apparente se cachent de nombreux dangers: biais, erreurs invisibles, perte d’esprit critique, dépendance cognitive et coût écologique. «On voit déjà des personnes lui déléguer leurs courriels, persuadées que ChatGPT écrit mieux qu’elles. C’est triste et même dangereux. Le risque est de croire l’IA plus intelligente que nous et, à terme, d’abrutir l’humanité.»

 

Une fracture d’usage pas de génération

Pour lui, la fracture n’est pas générationnelle mais d’usage: entre ceux qui croient aveuglément et ceux qui connaissent les limites. Ses recommandations sont claires: «Ne pas déléguer son jugement, respecter les données personnelles, rester critique. Soyons frugaux dans l’usage et continuons à nous former. À l’école, ce n’est pas tant l’exactitude qui est enseignée, mais la capacité de raisonner par soi-même, continuons à l’enseigner à nos enfants.»

 

Cultiver notre esprit critique 

Il invite ainsi chacun à expérimenter ces intelligences artificielles, certes, mais avec du recul, en gardant son esprit critique en en comprenant les mécanismes et en se demandant toujours: «est-ce que c’est vraiment vrai ce que me raconte l’IA?».