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Des arbres contre la canicule: Lausanne plante pour rafraîchir la ville
mai 2025 - 4 minutes
À Lausanne, la lutte contre le réchauffement climatique prend racine. La ville plantera 25'000 arbres d’ici 2040, pour contrer les excès de chaleur.
Ce programme s’inscrit dans le plan climat adopté en 2021, par la ville de Lausanne, pour s'adapter au nouveau climat. «L’un des volets d’action, c’est l’arborisation, surtout en centre-ville», explique Benjamin Rudaz, chef de division au service des parcs et domaines. L’objectif est d’atteindre 30% de canopée — la couverture arborée vue du ciel — contre 20% en 2012.
Planter cinq fois plus!
Pour y parvenir, le rythme de plantation s’est accéléré: «On est passé de 400 à 2000 arbres plantés chaque hiver», précise Benjamin Rudaz. Les arbres prennent place dans les parcs, le long des avenues ou dans certaines cours d’école. En plus des arbres d’avenue, la ville mise désormais sur l’afforestation, créant de petits bois urbains, comme récemment au giratoire de la Maladière.
En 2060, Lausanne plus fraîche qu'aujourd'hui!
Les arbres ne rafraîchissent pas seulement leur environnement immédiat: ils contribuent à abaisser la température à l’échelle de la ville, car l’air frais se déplace pendant la nuit, au-delà des zones arborisées. Une modélisation commandée par la ville montre qu’en atteignant ses objectifs de plantation, Lausanne pourrait être plus fraîche en 2060 qu’en 2024, malgré le réchauffement global. «C’est un résultat majeur. Cela montre que la stratégie de la ville peut surcompenser les effets du changement climatique», se réjouit Benjamin Rudaz.
Des arbres, mais pas n'importe où
«L’implantation dépend de l’usage», souligne Benjamin Rudaz. Dans les parcs, des arbres espacés permettent de préserver des espaces ouverts pour les loisirs. Sur des terrains en friche ou des talus, des îlots boisés peuvent voir le jour. Les choix d’aménagement sont guidés par le sol, la proximité des infrastructures et l’espace disponible. En zone urbaine dense, les contraintes en rues ou avenues sont multiples: réseaux souterrains, sols imperméables ou compacts. Le coût de plantation peut y être jusqu'à vingt fois plus élevé qu'en pleine terre. «Ce n’est pas la plante, mais la préparation du terrain qui coûte cher», précise le spécialiste. À l'inverse, les parcs bénéficient de sols plus adaptés et de coûts de plantation bien plus faibles.
Réseau vert pour la biodiversité
Il est essentiel que ces plantations s’articulent aussi avec les enjeux de biodiversité. «La ville a adopté un plan biodiversité, qui comporte la trame arborée ou trame forestière. Elle vise à reconnecter les massifs forestiers urbains entre eux», explique Benjamin Rudaz. Pour cela, on mise sur des afforestations ciblées, qui créent des milieux relais, propices à certains oiseaux, petits mammifères ou espèces végétales. Ces connexions permettent à des populations isolées de se croiser à nouveau. Des forêts urbaines comme celles de Sauvabelin, du vallon du Flon ou de la Vuachère existent encore au cœur de Lausanne. Mais entre elles, les obstacles sont nombreux. «Les stratégies politiques actuelles cherchent à renforcer partout où c’est possible cette trame écologique, et les plantations d’arbres y contribuent pleinement», ajoute-t-il.
« Les stratégies politiques actuelles cherchent à renforcer partout où c’est possible cette trame écologique, et les plantations d’arbres y contribuent pleinement. »
À Lausanne, à l'intérieur du rond point de la Maladière, plusieurs îlots de micro-forêts ont été plantés récemment.
À droite, au premier plan, un massif forestier récemment planté au centre du rond-point s’installe progressivement. À gauche, à l’arrière-plan, un autre îlot, planté il y a plus longtemps, s’est densifié et transformé en îlot relais favorable aux oiseaux et à certains petits mammifères.
Le climat croate d’aujourd’hui: celui de la Suisse dans 50 ans
Au moment du lancement de l’Objectif canopée, une étude a permis d’identifier des analogies climatiques en Europe. Elle montre que le climat de la Suisse dans environ cinquante ans pourrait ressembler à celui de Zagreb aujourd’hui. «C’est un voyage dans le temps et dans l’espace», commente Benjamin Rudaz. L’objectif est de sélectionner des essences capables de résister à la chaleur, à la sécheresse, mais aussi au gel, qui restera présent en hiver. Le chêne se distingue par sa grande diversité, sa capacité d’adaptation et les nombreux bénéfices qu’il offre pour la biodiversité. D’autres essences sont également envisagées, comme l’orme ou certains platanes.
Diversifier les plantations pour garantir une santé globale
Le choix des arbres ne se limite pas à l’espèce: leur diversité est essentielle. Même à l’échelle d’une seule rue, les variétés seront alternées, mêlant feuillus et résineux. «Il y a des essences qui peuvent ne pas résister au climat du futur», prévient Benjamin Rudaz. Entre aléas climatiques, maladies ou insectes ravageurs, la stratégie repose sur la multiplication des candidats pour garantir la présence d’arbres sains à long terme.
Agrandir les fosses pour favoriser la croissance...
À Lausanne, les fosses de plantation des arbres d’avenue sont désormais bien plus volumineuses qu’auparavant. Un peu comme les bonsaïs, dont la taille reste limitée par celle de leur pot, les arbres urbains ne peuvent croître que si leurs racines disposent d’assez de terre. On estime qu’un mètre cube de sol permet environ une année de croissance: avec 20 m³, un arbre peut ainsi se développer pleinement pendant vingt ans. À l’inverse, les anciennes fosses trop petites bridaient leur développement, ce qui explique pourquoi certains arbres en ville, pourtant âgés, restent de petite taille.
... et mieux profiter de la pluie
Ces grandes fosses remplissent aussi une fonction cruciale face aux épisodes de fortes pluies, qui deviennent plus fréquents avec les changements climatiques. Dans une ville en pente comme Lausanne, elles permettent d’absorber une partie de l’eau de ruissellement qui, autrement, filerait rapidement vers les canalisations. En stockant temporairement cette eau dans un sol structuré et drainant, elles offrent aux arbres un accès direct à l’humidité disponible, au lieu de la voir simplement s’écouler à leurs pieds sans qu’ils puissent en profiter.
Retrouver l’humanité et ses plaisirs
«Aujourd’hui, trop de rues surchauffées deviennent des fours lors de la troisième ou quatrième vague caniculaire de l’été. Au point que certaines personnes ne peuvent plus sortir, faire leurs courses ou simplement profiter de leur quartier à pied», observe Benjamin Rudaz. Le fait de pouvoir retrouver une rue ombragée changera profondément la manière de vivre la ville. Car la végétation adoucit les formes, atténue le bruit, attire la vie, les oiseaux, les insectes. Elle rend l’espace public plus beau, plus respirable, plus accueillant. «Ces nouveaux arbres seront autant d’invitations à s’asseoir, à souffler et réinvestir l’espace extérieur. Même une petite place plantée peut suffire à transformer l’ambiance d’un quartier. Elle redonne à la ville une échelle humaine», souligne le spécialiste.
Végétalisation: Nyon et Yverdon font le même pari
D'autres villes vaudoises développent aujourd’hui des stratégies ambitieuses en matière d’arborisation. C’est le cas de Nyon et d’Yverdon-les-Bains, qui misent sur le végétal pour atténuer les effets du changement climatique et améliorer le cadre de vie.
À Nyon, un plan à l’horizon 2050 prévoit de planter 50’000 arbres et arbustes, créer huit parcs, 200 potagers et végétaliser cinq préaux. Il vise aussi la renaturation de rivières, la requalification de 14km de rues, et la création d’un maillage vert continu.
À Yverdon, où la canopée couvre déjà 17% du milieu bâti, la stratégie prévoit plus de 24 mesures pour étendre la végétation. Parmi lesquelles l’encouragement à verdir les toitures et les façades, l’intégration du végétal dans les projets urbains, et la mise en place d’un plan canopée. L’objectif: faire de la végétalisation une alliée face aux extrêmes de chaleur urbaine.